Marilyn Monroe

Arthur Miller : « Elle était condamnée dès sa naissance »

"Elle était moitié reine, moitié enfant abandonnée"

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Auteur de théâtre, Arthur Miller épouse – à l’âge de 40 ans – Marilyn Monroe en 1956 (son troisième mariage). Il avait rencontré l’actrice cinq ans plus tôt.

Miller

C’était en janvier 1951, Marilyn Monroe, âgée de 24 ans, tournait son douzième film (As Young As You Feel), une comédie de Paddy Chayefsky. Ce jour là l’actrice, abonnée aux petits rôles, broie du noir, elle pleure son ami Johnny Hide, emporté par une crise cardiaque. C’est dans ce contexte qu’Elia Kazan lui présente Arthur Miller, dramaturge, écrivain et essayiste new-yorkais. « La fille la plus triste qu’il eût jamais vue » dira l’auteur sur cette rencontre. L’un comme l’autre furent captivé. L’actrice aimait son brillant esprit. A l’automne, pour combler ses carences, elle s’inscrit à un cours d’histoire de l’Art à l’Université de Californie, elle se met à lire les classiques, mais aussi l’oeuvre de Freud et de ses disciples.

« Je veux être une artiste, pas une poupée érotique. Je ne veux pas être vendue au public comme un aphrodisiaque en Technicolor. Cela pouvait aller les premières années. Mais à présent, c’est différent. » Marilyn Monroe

Le mariage avec Arthur Miller correspondra à la période new-yorkaise de l’actrice. Une étape assez difficile avec une thérapie, une addiction aux médicaments et une dépression suite à une grossesse qui n’est pas arrivée à son terme. L’auteur écrit pour elle son premier scénario de film, « The Misfits ». Le personnage qu’il lui écrira ne fera pas le bonheur de l’actrice qui espérait plus de profondeur.

« Elle semblait représenter l’authenticité, la véracité en tant qu’être humain, dira Arthur Miller de Marilyn Monroe dans l’émission « Apostrophes ». Elle portait les contradictions les plus violentes sans chercher à les aplanir. Tout ce bonheur extérieur était une façon d’échapper à sa tristesse. Elle combattait cette pesanteur en manifestant de la joie. Si elle a pris des risques en m’épousant parce que je n’avais pas bonne presse à cause de mes positions politiques ? Je pense qu’elle ne s’est jamais posée la question. Cela ne l’inquiétait absolument pas. Et à la limite elle aurait pu se dire que les gens la prendraient plus au sérieux que par le passé. Elle était condamnée dès sa naissance ? Sa mère était schizophrène et paranoïaque. Elle avait été internée à plusieurs reprises pendant l’enfance de Marilyn. Son père s’était éclipsé. Elle a toujours été élevée par des étrangers. Des fanatiques religieux en plus. Etant donné qu’elle n’était pas légitime comme on dit, elle portait le péché. Elle se l’attribuait. On lui a martelé cette chose qu’elle était le fruit du péché jusqu’à ses 8/9 ans. Elle portait un stigmate du fait même de sa naissance. Sa grand-mère a même essayé de la tuer en l’étouffant. Aujourd’hui, cela fait partie de son mythe. A l’époque, c’était un fardeau très lourd à porter, c’était très douloureux. Elle était dans une quête infinie d’amour ? Oui, cela ne pouvait jamais suffire. C’est le problème avec ce type de personne. C’est un puits sans fond. Ils vont continuer à demander. Parce que c’est profondément ancré dans leur âme. Ils répètent ce schéma qu’ils vont être rejetés et tout perdre. C’est difficile de corriger cela. Je connais d’autres comédiens dans ce cas. Elle attendait de son métier une certaine assurance. Vous l’obtenez pendant une heure sur les planches, mais après… Je crois qu’elle voulait se rassurer avec son art. »

« Elle était alors pour moi une sorte de lumière tourbillonnante, tout à la fois un paradoxe et un mystère… Dure comme une fille des rues  par moment,  puis portée par une sensibilité lyrique, comme peu de gens en conservent après leur adolescence. Parfois elle  semblait considérer les hommes comme de petits garçons, des enfants avec des besoins immédiats que la nature l’avait chargée de satisfaire; mais dans le même temps la partie adulte, en elle, se tenait à l’écart et observait le jeu. Les hommes n’étaient que désir, impérieux et en quelque sorte sacré. Quelque chose du divin sortait de cette désincarnation. Elle était incapable de condamner, de juger même des gens qui lui avaient fait du mal. Etre auprès d’elle, c’était être accepté, entrer dans une lumière sanctifiante après avoir quitté une vie où le soupçon régnait en maître. Elle n’avait aucun sens commun, mais ce qu’elle avait été plus sacré. Une vision profonde dont elle seule avait conscience. Elle voulait être reconnue par une profession cruelle et par des hommes qui ne voyaient en elle que la perfection de  la beauté , et pas l’humanité. Elle était moitié reine, moitié enfant abandonnée, parfois agenouillée devant son propre corps, parfois désespérée à cause de lui. » Arthur Miller – Au fil du temps (Grasset)

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