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Une histoire de co errance du clitoris et du prépuce

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Orientons notre miroir du réel chez un lointain voisin sans l’identifier car l’objectif n’est ni de pointer du doigt ni de juger l’altérité. Le voisin, c’est toujours nous. Mais avec d’autres formes de conditionnements on voit mieux ceux des autres. Utilisons donc notre œil nu pour observer les us et coutumes d’une autre civilisation pour mieux nous regarder ensuite avec un œil neuf.

Il était une fois un mythe fondateur venant de temps reculés et de terres éloignées qui racontait que chaque être humain était composé d’âmes jumelles, celle d’un homme et celle d’une femme. L’âme mâle de la femme se situant dans le clitoris, l’âme féminine de l’homme se trouvant dans le prépuce.

En conséquence, dans ce mythe, pour devenir pleinement femme il fallait, à l’adolescence, passer par une excision, et pour devenir totalement homme par une circoncision. L’idée (discutable) étant qu’il fallait un sexe opposé pour qu’on s’y intéresse afin de s’accoupler et d’enfanter. Et ainsi ne pas rester replié(e) sur soi-même. Pour considérer l’altérité il fallait donc s’amputer, perdre son jumeau (dans le clitoris) ou sa jumelle (dans le prépuce) et générer ainsi une forme de nostalgie motivante. Une quête pour retrouver son double pouvait commencer. C’était le récit collectif, la trame commune.

Ce mythe justifiant une douloureuse ablation afin d’affirmer le genre était intégré dans un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte. Avec un objectif implicite : définir la place de chacun dans la société, lui montrer la voie, la norme en fonction de son sexe. C’était une sorte d’initiation par métamorphose. Une transformation inévitable pour qui voulait être considéré(e) et reconnu(e) par le groupe. Le garçon non circoncis et la fille non excisée faisant le choix de la marginalité conférée à ce qui est indéterminé, et même « impur ».

Avec la religion, ce statut d’impur jusqu’à l’adolescence du garçon non circoncis et de la fille non excisée a fait redouter le décès dans cet état. C’est donc bébé qu’il fallait désormais réaliser l’ablation du capuchon ou de l’organe malgré sa toute petite taille et la précision nécessaire à l’intervention. Mais la purification telle l’ablution (le mot étant même donné à l’acte d’excision dans la langue de la contrée en question) ne pouvait attendre. Finie l’affaire de métamorphose, fini le rite initiatique qui devait attribuer un genre et un rôle dans la société au nouvel adulte, le principe de précaution devenait la règle. Il fallait pouvoir se présenter « pur » à chaque âge de la vie devant Dieu même si rien d’explicite ne figurait dans les textes sacrés sur cet organe et ce capuchon.

Les « impurs » clitoris et prépuce deviennent ainsi des ennemis de l’ordre avec parfois le renfort d’une argumentation sanitaire et hygiénique. Le non circoncis, la non excisée se voyant même accusé(e) d’avoir une odeur désagréable à cause de leur « anomalie anatomique ». La question de l’esthétique, marqueur sociétal, « se greffe » à l’affaire. Un sexe n’étant « beau » que sans clitoris ou prépuce. Leur présence étant par ailleurs assimilée à un signe d’homosexualité et aussi de goût pour la masturbation en ce qui concerne la femme. De quoi intensifier l’étreinte sur celui ou celle qui ne serait pas passé(e) par l’ablation, par décision parentale. Conserver clitoris ou prépuce devient synonyme de dégoût dans les têtes de la majorité des hommes et des femmes s’inscrivant eux dans la tradition. Un poids social tellement insupportable que des jeunes peuvent d’eux-mêmes faire le choix de l’excision ou de la circoncision contre la volonté des parents.

En outre, chez ce peuple, il peut être considéré que le clitoris va gêner lors des relations sexuelles et de l’accouchement. Or, la science nous dit que le clitoris est l’organe le plus sensible du corps, avec plus de 8000 terminaisons nerveuses, soit le double du pénis. En outre le clitoris sert biologiquement à la reproduction. Faut-il y voir une stratégie cachée pour faire de la femme une compagne « chaste, réservée et fidèle » via une réduction de la sensibilité et donc de son plaisir ? Il semble que c’est avant tout la marginalisation sociale qui est dans la balance. La norme est de ne pas avoir de clitoris et de prépuce. Où comment il est devenu de contre-nature de ne pas aller contre la Nature. Où comment la rupture de la co errance d’âmes jumelles est également devenu une rupture de la cohérence. Où comment la société peut établir des conditions, des conditionnements et des principes, génération après génération, par des croyances de groupe. Où comment l’individu peut les valider pour avoir une identité dans et par la tribu.

Orientons maintenant le miroir du réel vers nous. Et faisons le travail avec un œil neuf sur nos conditionnements. Faisons le travail pour réunir masculin et féminin en nous. Faisons le travail du réel tout simplement.

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